Սեպտեմբեր 16, 2022
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Lettre de l’UGAB au Président de la République française Emmanuel Macron concernant la situation en Arménie

A l’attention du Président de la République française, Monsieur Emmanuel Macron

Monsieur le Président,

Comme vous le savez, la République d’Arménie vit aujourd’hui un moment crucial de son histoire, particulièrement décisif pour sa survie. L’attaque récente de grande ampleur par l’Azerbaïdjan, cette fois sur la frontière orientale de l’Arménie constitue un seuil nouveau dans l’escalade et l’ambition expansionniste de l’Azerbaïdjan, alors que nous pleurons encore les 4 500 victimes de la guerre de 2020 au Haut-Karabagh. 

Pour reprendre vos mots, le Président azéri Ilham Aliev a, à nouveau, franchi une ligne rouge en attaquant l’Arménie sur son sol et en violant son intégrité territoriale. Cette agression de grande ampleur sur les régions rurales frontalières, a déjà des conséquences dramatiques. Elle a déjà fait des centaines de victimes, tant des forces armées arméniennes que des civils. Il s’agit là, indiscutablement, de l’invasion d’une nation souveraine en violation du droit international.

L’absence de réaction et de condamnation ferme de l’invasion azérie, le silence assourdissant des nations, absorbées par l’actualité brûlante, seraient une victoire pour tous les despotes et tyrans de ce monde. Ce serait le signal que les conflits se résolvent par la violence de l’épée, pas par la puissance de la négociation.

Lorsque les forces de Vladimir Poutine ont envahi l’Ukraine en février dernier, la France et ses alliés ont été en première ligne pour dénoncer l’invasion et rassembler l’ensemble de leurs ressources diplomatiques, économiques et militaires pour venir en aide au peuple ukrainien.

Si, en septembre 2020, de telles voix s’étaient élevées et une telle force de frappe avait été mise en œuvre pour sanctionner l’Azerbaïdjan à l’initiative d’une guerre particulièrement meurtrière, peut-être que le monde aurait pris conscience que la violation du droit international ne peut se faire en toute impunité.

L’ambition de l’Azerbaïdjan est aujourd’hui limpide : l’épuration ethnique des Arméniens de la région, en continuité du génocide des Arméniens de 1915. Elle s’inscrit ainsi dans une histoire et un plan savamment orchestré qu’elle met méthodiquement à exécution.

Le gouvernement arménien a appelé ses alliés régionaux au respect des accords et des traités qui les lient, afin de garantir l’intégrité et la sécurité nationale. L’actualité mondiale offre néanmoins d’autres sources de préoccupations et d’autres priorités qui semblent l’emporter. L’Arménie est ainsi isolée et seule à l’heure où son existence est plus que jamais menacée.

L’Arménie est une démocratie en développement. Notre religion, notre langue, notre culture et notre patrimoine sont une richesse inestimable. Le rayonnement de nos intellectuels, artistes, chercheurs, scientifiques, inventeurs et entrepreneurs arméniens dans le monde, dont beaucoup en France, a permis à l’humanité entière de s’élever. Ils sont le digne reflet des valeurs que nous défendons, au premier rang desquelles la fraternité et la solidarité. J’en veux pour exemple le Groupe Manouchian et le sacrifice héroïques de ces Arméniens, parmi d’autres nationalités, qui ont donné leur vie pour la France parce qu’elle portait en elle un idéal de justice et de paix.

Nous sommes un peuple de bâtisseurs, pas de destructeurs. Nous sommes une nation chrétienne qui n’a jamais renié sa foi et qui, victime du racisme et de l’intolérance, porte en elle la mémoire des 1,5 millions de victimes qui dorment toujours sans sépulture dans les déserts d’Anatolie. Nous sommes un peuple de résilience, indestructible malgré les génocides, les tragédies et les traumatismes endurés tout au long de notre histoire séculaire et malgré les multiples tentatives d’exterminer notre nation, et avec elle son identité et ses valeurs.

La question est désormais de savoir si le monde a appris de l’histoire tragique du peuple arménien, si la communauté internationale a conscience de la menace qui pèse désormais sur toute nation qui osera clamer sa volonté de vivre en paix et en démocratie, sans prêter allégeance aux tyrannies voisines. La question est désormais de savoir si le soutien et la protection des pays éclairés sont accordés de manière sélective, si les Arméniens sont un peuple de seconde zone, sacrifié sur l’autel des intérêts des nations.

En ces temps de division dans l’histoire de l’Humanité, nous assistons à un changement dangereux de paradigme et il nous faut faire face à une question cruciale : le droit de vivre libre et digne sur son territoire l’emportera-t-il sur la dictature et l’oppression ? Le soutien à l’Arménie, une nation libre, indépendante et démocratique, est un élément essentiel de la réponse que vous apporterez au monde.

L’ensemble de la communauté arménienne est en alerte, aux quatre coins du monde. Alors que nous pensions que les pires atrocités de notre histoire appartenaient à notre passé, nous assistons à une répétition de cette même histoire, impuissants. Si ceux qui, comme vous monsieur le Président, ont le pouvoir d’agir pour nous préserver de cette menace existentielle n’interviennent pas, alors l’Arménie mourra.

La survie de l’Arménie, et de son peuple millénaire, ne répond pas seulement à une nécessité géopolitique ou stratégiques, elle constitue un impératif moral. C’est cette responsabilité qui pèse aujourd’hui sur les épaules des nations amies, et donc, sur les vôtres.

Ainsi, au nom de la plus grande organisation arménienne à but non lucratif dans le monde, avec un réseau mondial de centaines de milliers d’Arméniens dont beaucoup d’entre eux sont des Français d’origine arménienne qui œuvrent dans toutes les sphères du service public, de l’État, de l’industrie et du commerce, des arts et de la culture, je lance un appel. Un appel à la France et donc à vous, monsieur le Président, qui êtes connu par tous comme le soutien fidèle et le défenseur des Arméniens et de l’Arménie, ainsi qu’à vos alliés, pour que vous mettiez en œuvre toute votre puissance géopolitique, économique et diplomatique et toute votre capacité de sanction afin de tenir l’Azerbaïdjan responsable de ses actes et mettre fin à ses projets d’expansionnisme et de domination régionale aux dépens de l’Arménie.

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cet appel urgent et vital pour notre survie, et vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes sentiments déférents.

Cet article a été publié dans le Nouvelles d'Arménie Magazine n°299